Vis ma vie de résident

Des poids au niveau du dos, des bras et des jambes, des lunettes qui simulent une déficience visuelle et un casque pour les troubles de l’audition : nous voilà parées à vivre une expérience humaine surprenante. Une invitation à remettre en question notre façon d’accompagner et de prendre soin aussi.

Le quotidien du travail et le rythme soutenu prend parfois le pas sur ce qui fait le cœur de notre activité : l’humain. Sans le vouloir, nos gestes sont parfois inadéquats car, malgré notre volonté de se mettre à la place du résident, il y a bien des choses que nous sommes incapables de percevoir.

Parce que « faire à la place de » me semble permettre de gagner du temps.

Parce que Madame X souffre d’une dégénérescence de la macula que j’ignore, donc, elle ne peut plus me voir quand je suis placé(e) en face d’elle et que je lui parle.

Parce que ma voix n’est pas suffisamment posée pour que Mr Y puisse bien m’entendre.

Parce que manger devient un effort considérable pour Madame Z, au point qu’elle ne termine pas toujours son assiette, pas toujours par manque d’appétit, juste parce que son corps ne lui permet plus de continuer.

Parce que j’insiste pour que Monsieur Y vienne manger au réfectoire alors que la multiplicité des bruits le fatigue considérablement, son cerveau ne lui permettant plus de traiter tous ces stimuli et informations.

 

Tester pour comprendre

Ces changements, déficiences sensorielles et physiques plongent souvent nos résidents dans un état de stress. Et le meilleur moyen de s’en rendre compte est de le tester, au travers d’un équipement qui reproduit plusieurs maux liés à la vieillesse, pendant que d’autres collègues endossent le rôle de soignant pour simuler une toilette et un accompagnement au repas. C’est l’expérience que le personnel des CAB (section personnes âgées) a pu vivre en ce premier trimestre au cours de 14 groupes de formation avec Christine Watrin, psychosomathérapeute et formatrice au sein du Centre Tact & Bien-Etre Formations. 

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Et les réactions ont fusé très rapidement, avec une grande intensité !  « J’étais totalement perdue car on me parlait du côté gauche or, je ne vois rien de ce côté avec les troubles visuels simulés », « j’aurais souhaité être un peu plus stimulée, participer à ma propre toilette, qu’on me demande ce que je sais encore faire », « devant l’effort à fournir, je n’ai même pas envie de manger », « j’ai trouvé l’expérience très difficile car ce sentiment de dépendre de quelqu’un est profondément insécurisant ».

 

Chaque personne est unique

La question en filigrane de toute cette démarche est la suivante : comment redonnons-nous au résident sa propre identité et ce, quelle que soit notre fonction ? Comment entretenons-nous son estime de lui-même, comment le faisons-nous exister ? Que vit le résident dans son corps et dans ses émotions, que vit-il à notre contact, dans la relation au soignant, à l’accompagnant ?

C’est sûr, nous ressortons tous grandis de ce « Vis ma vie ». Le plus grand défi est de garder ces réflexions essentielles dans un coin de la tête, chaque matin, avant de démarrer le marathon de la journée. Cette idée de se mettre à côté du résident, à sa hauteur, pour l’accompagner à son rythme.

Pour clôturer cet article, l’envie me vient de partager avec vous l’étymologie du mot considération : ‘cum’ signifie « avec » et ‘siderare’ signifie « regarder les étoiles ». « Regarder ensemble sous la même étoile », joli, non ?


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